Notions de base
Les procédés de dépôt et de conversion par voie humide sont tous les procédés nécessitant le trempage de la pièce à traiter dans un bain contenant le matériau à déposer. Ils peuvent requérir le passage d’un courant électrique pour entraîner une réaction d’oxydoréduction : ce sont les traitements électrolytiques, ou sont alors le fruit de réactions chimiques: ce sont les traitements chimiques.
Les applications de ces méthodes sont très diversifiées et certains procédés peuvent être superposés pour certaines applications. Par exemple, les traitements chimiques peuvent êtres utilisés en sous couche de métallisation sur des matières plastiques.
Les procédés nécessitent le trempage dans différents bains avec des temps d’exposition précis. Sont donc mises en place des chaînes en général automatisées qui permettent de préparer et traiter les surfaces lors d’une même suite de manipulation. On note également l’importance des bains de rinçage: à chaque bain suit un ou plusieurs bains de rinçage qui arrête la réaction et évite le transfert de matière d’une étape à la suivante.
Lors du dépôt d’un métal sur un autre métal, il y a deux types de revêtements: les revêtements nobles et les revêtements sacrifiels.
Les premiers utilisent leur capacité à s’oxyder beaucoup moins vite que le substrat pour le protéger. Le dépôt doit donc être de très bonne qualité et empêcher tout accès de l’environnement corrosif au substrat. De plus ce type de revêtement implique que la couche protectrice ne soit pas endommagée.
Pour prévenir le passage de l’électrolyte vers le substrat et la très forte corrosion qui en résulterait, les porosités du substrat doivent être éliminées en augmentant l’épaisseur du revêtement ou en remplissant les pores avec des laques organiques. Par exemple le fer est protégé par du chrome, du nickel, du cuivre ou du plomb. Les revêtements sacrifiels se dissolvent dans le milieu corrosif à la place du substrat. L’épaisseur du dépôt doit donc être suffisante pour éviter sa disparition complète.
Contrairement au revêtement noble, le revêtement sacrificiel tolère des manques de revêtement. Le fer est par exemple protégé de cette façon par le zinc et le cadmium. On peut aussi déposer un composé inorganique et non métallique pour protéger la pièce, comme dans le cas de la phosphatation.
La préparation des surfaces
Avant tout traitement de surface, la préparation de la pièce est une étape est indispensable pour s’assurer de la tenue du revêtement.
Les procédés de fabrication et de transformation laissent des résidus à la surface des pièces à traiter, notamment des graisses et des huiles d’usinage. De plus des traitements thermiques peuvent créer des couches d’oxydes. Le transport et le stockage sont par ailleurs susceptibles de contaminer la surface.
Par conséquent, tout traitement de surface nécessite une préparation de surface au préalable. Le nettoyage de la surface permet la tenue et la qualité du traitement appliqué en favorisant l’adhérence du revêtement, en limitant la corrosion aux interfaces et en donnant un aspect particulier (rugueux, brillant, etc.)
Il existe différentes préparations: les préparations mécaniques telles que le sablage, le grenaillage, la tribofinition ou le polissage pour éliminer oxydes, rayures, bavures ou encore revêtements et les préparations chimiques telles que le dégraissage, le décapage, le brillantage, etc. pour éliminer graisses, oxydation superficielle, tâches ou revêtements.
Les traitements par voie humide nécessitent donc le passage du substrat dans une suite de bains ce qui signifie la mise en place d’une chaîne automatisée électrolytique ou chimique selon le type de revêtement souhaité.
Par exemple pour l’étamage, 10 étapes peuvent se succéder :
- dégraissage au solvant
- dégraissage alcalin léger
- rinçage courant
- décapage chimique acide
- rinçage courant
- rinçage chaud
- étamage
- rinçage courant
- rinçage chaud
- séchage
Les interdictions concernant certains solvants comme le tétrachlorure de carbone, le trichloroéthane et le bromométhane ainsi que la prise de conscience des risques cancérogènes concernant ces produits conduisent à des évolutions technologiques allant vers le remplacement des solvants classiques par des solvants alcalins pour le dégraissage.
Si les dépôts par voie humide présentent un certain nombre d’inconvénients, notamment en termes de pollution, d’hygiène et de sécurité, ils n’en restent pas moins incontournables pour la réalisation de certaines pièces, en particulier lorsque celles-ci présentent des géométries complexes.
Les traitements électrolytiques permettent de déposer sur des métaux de faibles couches de revêtements métalliques aux propriétés particulières (résistance à la corrosion, aspect décoratif, dureté, conductibilité).
Cette technique utilise le principe d’oxydoréduction. On plonge le métal à recouvrir dans un bain contenant le métal à déposer sous forme de sels dissous ou d’anodes solubles. Un courant électrique imposé au circuit permet de forcer la réaction attendue.
La barre d’alimentation en courant électrique est alors la cathode et l’on dispose la pièce à recouvrir entre des anodes. Celles-ci peuvent être solubles (cuivre pour le cuivrage ou nickel pour le nickelage) ou insolubles (plomb, titane platiné).
L’apport d’une couche de métal pour modifier les propriétés du matériau donne lieu à des procédés de dépôt électrolytique, dont voici les principaux représentants :
Electrozingage
Utilisé pour protéger le fer ou l’acier faiblement allié de la corrosion. Selon la nature et le pH de l’électrolyte (le bain) utilisé, la nature et l’épaisseur des produits d’oxydation formés et donc la résistance à la corrosion sont différentes.
Cuivrage
Le cuivrage cyanuré ou avec du pyrophosphate permet de créer des sous-couches de cuivre sur un alliage de zinc, des alliages d’aluminium ou des aciers. Ceci est fréquemment suivi du nickelage, de l’étamage ou d’autres dépôts chimiques par déplacement. Il sert à réduire les irrégularités de surfaces (nivellement), à améliorer la résistance à la corrosion par réduction de la porosité et à limiter la fragilisation par l’hydrogène.
On note que les bains cyanurés sont actuellement progressivement remplacés par des bains alcalins sans cyanure pour des raisons de pollution et de sécurité.
Nickelage
Les dépôts de nickel sont utilisés à des fins décoratives et anticorrosives. Ils consistent en une succession de plusieurs revêtements permettant de ralentir la corrosion du substrat et de garder le plus longtemps possible l’aspect brillant en surface. Leurs applications vont de la réalisation de bijoux fantaisie où, associé à un revêtement d’or, ils possèdent un aspect attractif, à la récupération des pièces usées ou corrodées en passant pas la réalisation de microprocesseurs sur feuillards de cuivre. Ils protègent contre la corrosion et durcissent les surfaces.
Les problématiques allergènes du nickel impliquent une restriction de son usage pour les utilisations décoratives (contact avec la peau).
Chromage
Ce procédé possède deux applications principales: le chromage décoratif et le chromage dur. Généralement déposé sur une sous-couche de nickel le chrome donne de la brillance à la surface recouverte.
Le chromage dur, plus épais, procure au matériau un bon coefficient de frottement et une bonne résistance à l’usure et à la corrosion.
L’évolution des normes implique un remplacement progressif des bains à base de chrome VI à cause de ses propriétés cancérogènes.
Métaux nobles
L’argent, l’or, le palladium, le rhodium et le platine sont les métaux nobles les plus utilisés par dépôt. L’osmium et le ruthénium sont moins utilisés. Leur inaltérabilité, associée à d’autres propriétés comme la conductivité électrique ou la couleur explique l’utilisation de ces métaux en revêtements.
Traitements de conversion
Il existe des traitements ne nécessitant pas d’apport de matière: les traitements de conversion. Il s’agit de transformer de façon chimique ou électrolytique la surface d’une pièce.
L’anodisation de l’aluminium et du titane sont deux exemples de traitements électrolytiques de conversion. L’anodisation de l’aluminium crée une couche d’oxyde, l’alumine qui permet la protection de l’aluminium contre la corrosion. Elle peut être suivie d’une coloration chimique ou électrolytique et d’un colmatage qui transforme l’alumine en alumine monohydratée et induit une bonne résistance à la corrosion. L’épaisseur de la couche créée va de quelques centaines de nanomètres à une centaine de micromètres.
Ce sont les procédés qui utilisent des réactions chimiques entre la surface à recouvrir et le contenu du bain.
Lorsqu’il s’agit d’un dépôt de métaux sur une surface métallique on parle de métallisation chimique. Le dépôt se crée alors soit par réaction entre ces deux espèces soit avec un apport de métal couplé avec le substrat. L’ionisation du métal se fait par contact métallique ou par déplacement.
Les métaux catalyseurs sont le fer, le nickel, le palladium et le cobalt ainsi que le cuivre, l’argent et l’or dans une moindre mesure. Selon les procédés employés, les épaisseurs de dépôt sont différentes mais restent de l’ordre du dixième de micromètre. Les procédés chimiques présentent généralement une vitesse de dépôt plus faible que les traitements électrolytiques. Pour chaque type de substrats (alliages cuivreux, d’aluminium, etc.) le bain est de composition différente et la source d’électrons aussi.
Les différents grands procédés chimiques sont:
Le zingage sur aluminium
Le zingage peut être doublé pour améliorer la qualité du dépôt.
L’étamage sur cuivre et alliages de cuivre
La chromatation
Le procédé de chromatation peut être réalisé sur le zinc électrolytique ou galvanisé, l’aluminium, l’argent, le cadmium, le magnésium et le cuivre.
La chromatation permet d’améliorer la résistance à la corrosion, de donner à la pièce un aspect esthétique (par une gamme de couleurs possibles) et d’assurer l’adhérence d’un revêtement organique.
Le nickelage
Ce traitement est effectué sur fontes, aciers, carbones et alliés, aciers inoxydables, alliages d’aluminium, cuivre, argent, or, titane, matières plastiques, bakélite verre ou céramiques. Il ne nécessite pas de courant électrique. Il est employé avec de l’hypophosphite qui conduit à la création de phosphore qui rend le dépôt plus dur ou des composés de bore conduisant à un alliage nickel-bore. Ce dépôt offre une bonne résistance à l’usure et à la corrosion. Il existe aussi un nickelage avant émaillage pour améliorer l’adhérence de l’émail.
La phosphatation
La phosphatation est réalisée sur des aciers, des fontes, des alliages de zinc ou des aciers revêtus de zinc ou de cadmium ou des alliages d’aluminium. Elle est utilisée dans tous type d’industrie, notamment l’automobile, pour abaisser le coefficient de frottement, éviter les grippages ou encore atténuer les bruits de frottement.
L’argentage et le dorage (ou argenture au trempé et dorure au trempé)
Ce procédé est réalisé pour la bijouterie fantaisie ou pour les alliages ne nécessitant qu’une faible épaisseur de dépôt.
Le patinage
Pratiqué depuis l’antiquité, le patinage consiste en la coloration de surface des métaux par action chimique en provoquant de façon contrôlée une oxydation superficielle.
Quelques chiffres pour la France:
- Le marché des traitements de surface représente un chiffre d’affaire annuel de 6 milliards d’Euros, 900 000 tonnes de matériaux d’apport sont appliquées à des surfaces représentant 3 milliards de mètres carrés (pour 3 millions de tonnes de substrats traités).
- 200 000 tonnes de boues d’hydroxydes sont produites chaque année et sont envoyées dans des installations de traitement ou mises en centre de stockage.
- 400 000 tonnes de solvants sont fabriquées dont 70 000 à 80 000 tonnes sont régénérées par une dizaine d’entreprises.
Les procédés de traitement de surface par voie humide peuvent être scindés en trois étapes: la préparation consistant en un dégraissage ou décapage, le dépôt des métaux ou la conversion qui donne à la pièce son aspect et le rinçage qui débarrasse la pièce des excédents de produits.
L’activité « traitement de surface » comprend les activités suivantes: le dégraissage, le décapage, la démetallisation, la neutralisation, le dépôt et la conversion. La maîtrise des rejets des bains est donc complexe car leur nature est diversifiée et les espèces peuvent interagir.
De ces bains sont rejetés :
- des matières organiques: huiles, graisses, solvants, mouillants, brillanteurs…
- des composés organo-halogénés: huiles chlorées, solvants de dégraissage et solvants de peinture, …
- des matières en suspension: hydroxydes métalliques, carbonates, poussières
- des métaux: chrome, zinc, cuivre, nickel, aluminium, fer, cadmium, étain
- des cyanures
- des matières phosphorées
- des matières azotées
- des fluorures
- divers sels: chlorure, sulfate, potassium, sodium, …
Ces matières sont de trois types: les déchets liquides issus des bains qui contiennent des solvants, des alcalins ou des acides ainsi que des métaux, les boues d’hydroxydes issues du traitement des déchets liquides et des eaux de rinçage qui contiennent les métaux des bains sous forme d’hydroxydes, et des résines échangeuses d’ions utilisées dans le traitement des eaux de rinçage.
Les rejets polluants ont un impact sur les milieux naturels. Si certains polluants comme les métaux sont toxiques immédiatement et donc provoquent la mortalité des espèces dont la dose létale est atteinte, les effets peuvent être indirects et différés. Ainsi un polluant peut modifier la toxicité de certaines substances ou faire apparaître des déséquilibres dans le milieu en favorisant certaines espèces au détriment des autres (en présence de phosphates et de nitrates en particulier). De plus l’accumulation de substances entraîne une toxicité à long terme d’un milieu.
Les normes ICPE concernant les ateliers de traitements de surface (la rubrique n° 2565 de la nomenclature des installations classées, ainsi que l’arrêté ministériel du 26 septembre 1985) préconisent des concentrations maximum de métaux à ne pas dépasser dans les effluents avant rejet dans un réseau d’assainissement car les effluents ne sont pas biodégradables. S’ils ne respectent pas ces concentrations, les effluents doivent être traités sur le site si celui-ci est de taille importante ou constituent des déchets qu’il faut éliminer dans des centres agréés.
Actuellement, la tendance est à la suppression totale des rejets grâce à la mise en place de dispositifs intégrant la maintenance et le recyclage des réactifs. Les entreprises de traitement de surface sont en constante réflexion pour réduire les quantités de déchets produits et les valoriser.
Restent les consommations d’eau et d’électricité engendrées par cette industrie qui restent assez importantes. L’eau sert surtout pour les bains de rinçage et son utilisation est réglementée. Il ne faut pas consommer plus de 8 litres par mètre carré et par opération de rinçage. La consommation électrique est utilisée pour les procédés électrolytiques et le chauffage des bains.
Aspect réglementaire
L’ICPE (Installation Classée Pour l’Environnement) est une législation française qui concerne toutes les installations pouvant présenter un danger ou des inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, l’environnement, la conservation des sites, des monuments et du patrimoine archéologique. Les installations sont classées grâce à une nomenclature. Pour contrôler l’utilisation et le rejet des substances chimiques, l’Europe améliore son système en créant une nouvelle législation : REACH. La législation REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals) est en vigueur depuis le 1er juin 2007. Elle est accompagnée d’une agence, l’ECHA (European Chemicals Agency), avec de nouvelles normes concernant la classification des produits chimiques. Désormais, il appartient aux producteurs et importateurs de produits chimiques d’assurer par eux-mêmes l’enregistrement de toute substance produite à plus d’une tonne par an. De plus ce programme vise à mieux informer sur les dangers, usages et exposition des substances.
Sources : http://www2.ademe.fr, http://www.inrs.fr/ et http://www.apesa.fr